Ria du tout. Pornic plus label la vie

Une pastille verte, en voilà un bon moyen de faire passer la pilule.

Une estampille écolo, même frelatée, pour chasser le touriste, c’est un bon attrape niguedouille. Alors ici, pour appâter les estivants, on leur raconte que sur quelques mètres carrés, on ne chasse pas l’hippocampe hurleur, espèce protégée*.



« Humanité diversité », l’association patronnée par le célèbre astrophysicien Hubert Reeves, va accorder le label « Oasis nature » à la mairie de Pornic, pour l’aménagement paysager de la Ria, zone humide inondable transformée en secteur d’aménagement. C’est très joli, mais c’est un peu le brin d’herbe qui cache la forêt qu’on découpe à la tronçonneuse. « Un faire valoir pour Pornic et les investisseurs immobiliers », note l’association des riverains de l’Aiguillon, où la décharge d’ordures ménagères n’encourage pas à se croire dans un éden écolo. Mais la demande ne concerne que le jardin botanique de la ria, pas toute la commune, rétorque l’asso Humanité diversité, interpellée sur cette basse manœuvre de greenwashing de station balnéaire. « Les procédures sont plus sévères pour une personne morale que pour un particulier, les risques de greenwashing sont plus importants, confie Nelly Boutinot de l’association Humanité diversité. Dans le cas de Pornic, seuls 13 hectares nous intéressent. On n’a pas les moyens matériels et humains de contrôler ou d’aller sur place, mais nos membres pourraient nous signaler des déviances... Nous ne portons pas de jugement sur ce qui se passe dans le reste de la commune. »

Tire pas la chasse

Un peu gnangnan, la charte du label préconise : « Je laisse la nature trouver sa place dans cette oasis où l’on ne chasse pas ». Sans doute que la chasse aux papillons y est interdite. Le label peut s’appliquer à tout bout de jardin, « un balcon ou une terrasse, où la nature est respectée et peut se développer », ou une commune. Il faut juste récuser les produits chimiques, installer des abris ziozios pour la biodiversité, des plantes du coin, et modérer l’éclairage et l’arrosage. Ça coûte 100 euros d’adhésion à la commune qui peut aussi faire des dons à l’asso et lui acheter des panneaux siglés « Ici on protège le diversité ». Pour l’image, voilà un excellent retour sur petit investissement. L’aménagement de la ria, c’est un vieux projet imaginé il y a une trentaine d’années. Projet immobilier avec de l’espace vert pour agrémenter. L’enjeu, c’est d’y bâtir un complexe casino/resto/galerie marchande, deux hôtels quatre étoiles Westotel de cent chambres, une résidence services seniors (livrable au 3e trimestre 2015)… Quatre promoteurs sont sur le coup, 300 logements à commercialiser. Les petits oiseaux peuvent aller se rhabiller.

Bébert Reeves est venu donner une conférence en avril à Pornic. Le maire, Jean-Michel Brard, en a profité pour présenter officiellement la candidature au label Oasis nature pour le jardin de la ria.

Bien se brosser les antécédents

C’est vrai que Pornic est un modèle de vertu. Pour le CO2 que c’est pas bien d’en larguer à qui mieux mieux, Pornic a trouvé la martingale : replanter les arbustes à l’autre bout de la planète, au Pérou. En 2012, l’entourloupe a permis de s’acheter des crédits carbones et une bonne conscience. Un droit à polluer maintes fois dénoncé comme le comble du cynisme des pays développés. J’ai de l’argent, je pollue allègrement, je paie. Comparse de la commune pour ce blanchiment d’âme, la société Coved, filiale de la Saur, géant de l’assainissement. Mettre en terre 2 226 arbustes riquiqui vaut à Pornic un crédit de 742 tonnes équivalent CO2. La Saur, à l’occasion, c’est une bande de philanthropes, mais pas trop, spécialiste de l’assainissement et de l’eau, propriété de trois banques, BNP Paribas, Natixis et Royal Bank of Scotland. La Saur est capable de défendre les coupures d’eau pour impayés des pauvres au nom de la « liberté d’entreprendre » et du droit de propriété, présentés comme des droits de l’homme !**

Accessoirement, la Coved a géré pendant des années, jusqu’en 2009, le centre d’enfouissement technique des ordures ménagères de l’Aiguillon au passé aussi chargé que ses tréfonds.


Philippe Necbouée


* Ou le bigorneau grand butor, pas plus le parcmètre criard, ni même la fraise congelée variable ou le cureton nantais ramollo à dégoulinade mordorée. N’insistez pas.
** Observatoire des multinationales, 7 novembre 2014.



Cet article a été publié initialement dans La Lettre à Lulu.